La main posée sur la garde de mon katana, j’observais d’un œil alerte les différents commerces de la rue. La vie suivait son cours sans que je ne remarque quoi que ce soit de suspect, ce qui m’arracha un soupir ennuyé. Les passants nous observaient rapidement, les yeux rivés sur le haori bleu ciel du Shinsengumi que mes hommes et moi arborions fièrement.
Les patrouilles en ce moment avaient quelque chose de monotone qui me désolait à chaque fois. D’un côté, cela devrait me réjouir que les rues de Kyoto soient calmes et que la vie des habitants se déroule sans encombre. Du moins sans les ennuis que des bandits ou des clans impérialistes pourraient provoquer. Il y avait tellement de faux samouraïs qui se faisaient passer pour tel. Seulement, la seule différence réelle que l’on pouvait dénoter entre eux et des bandits c’est qu’ils se faisaient appeler samouraï. Comme si porter un katana faisait d’eux des guerriers. Ils n’avaient aucune valeur, et le pire c’est que nous étions parfois méprisés nous-mêmes à cause de ces gens-là.
Néanmoins, je n’aurais pas été contre une petite bagarre. Cela mettait de l’animation et permettait de ne pas se rouiller.
Mon humeur s’aggravait à chaque pas en constatant avec l’air le plus dépité du monde que je n’aurais aucun récit de combat à narrer ce soir à Shimabara, avec Shinpat et Sano. Ils allaient s’attribuer tout le mérite si jamais leurs patrouilles avaient été plus mouvementées… Ce n’était pas juste !
Je plaçais une main en visière pour protéger mes yeux du soleil à son zénith. Ah une belle journée comme ça où il ne se passe rien ! C’était déprimant ! N’y avait-il vraiment aucune chance pour je puisse dégainer mon katana et voir sa lame briller en accrochant les rayons de soleil ?
-Capitaine !
Je me tournais vers l’homme qui fermait la marche, haussant un sourcil d’un air interrogateur. Ne me dérange pas dans ma désolation s’il te plait…
-Qu’y a-t-il ?
-Capitaine, il y a du mouvement de ce côté !
Aussitôt, mes yeux s’illuminèrent et c’est avec un sourire qui faisait trois fois le tour de ma tête que je m’exclamais !
-Huitième division, en avant !
Je levais mon poing vers le ciel, suivit de mes hommes qui poussèrent une acclamation fervente, ravis eux-aussi d’avoir un peu d’animation.
Parfaitement rangés, moi à l’avant nous nous engageâmes dans l’une des ruelles où les paniers d’un marchand de légumes avaient été renversés sur le sol. Le malheureux était prostré par terre, les bras écartés comme s’il protégeait quelque chose derrière lui et les mains tremblantes. Devant lui, un homme à lamine patibulaire, escortés de deux autres types à l’expression menaçante, le toisait de toute sa hauteur, son sabre dégainé.
-Parce que tu crois que tes excuses vont suffire ! Grogna t-il sur un ton discourtois.
-Je vous en supplie ! Pardonnez-moi, je vous jure que je ne l’ai pas fait exprès ! Je… je vous dédommagerais, mais je vous en conjure : ne faites rien à mon magasin, c’est tout ce que je possède !
Derrière le pauvre homme, une femme serrait contre elle une jeune fille terrorisée et en larmes. Je supposais qu’il s’agissait de la famille du marchand.
-Todo-san, dit l’un de mes hommes, il semblerait que le marchand ait bousculé cet homme par mégarde.
J’eus un sourire carnassier et ordonnais à mes hommes de rester en retrait. C’était moi le capitaine après tout, donc j’avais le droit de m’amuser !
Sans plus attendre, je me frayais un passage parmi les gens rameutés par le bruit.
-Faites place au Shinsengumi ! Poussez-vous ! Laissez passer !
Arrivé devant le type qui commençait à abaisser son sabre, je me plaçais juste entre lui et le marchand, katana dégainé afin de bloquer le coup du type. Les lames s’entrechoquèrent dans un crissement métallique, et je braquais mon regard sur celui de mon adversaire avec détermination et insolence. Ce dernier parut fort surpris par mon intervention, mais il n’en perdit malheureusement pas sa grande gueule :
-T’es qui toi ?! Casse-toi ou je t’écrase, sale mioche !
J’hoquetais sur le coup, écarquillant les yeux.
-Sale… mioche ? Sale mioche ?! Teme !
Je le repoussais avec mon sabre, l’écartant du marchand. L’autre recula, déstabilisé –il avait de mauvais appuis- et il laissait transparaître tellement de failles que je ne savais par laquelle attaquer. J’avais l’embarras du choix !
Evitant un coup, j’utilisais mon agilité pour lui décocher un coup de poing dans le ventre, ne souhaitant pas lui faire honneur en utilisant directement mon sabre. Riant aux éclats, je sautais sur le dos de l’un de ses acolytes qui avaient décidé de passer à l’action, tournant sur moi-même pour lancer un coup de pied sur le premier. Il finit dans le décor, un panier se renversant sur sa tête.
Pris dans mon combat, je ne vis qu’au dernier moment qu’un autre groupe du Shinsengumi se tenait là. Aujourd’hui qui était en patrouille ?
Mes yeux se posèrent alors sur un homme au visage de marbre et aux yeux de glace. Balançant un coup de poing dans le type qui m’attaquait en traître par derrière, je souris tout en m’exclamant :
-Yô, Hajime-kun ! Je t’en laisse si tu veux !